May 2004 - Derives

Templo Diez est un trio de Den Haag, aux Pays-Bas, centré autour de l'exilé parisien Pascal Hallibert (chant, guitare, claviers), accompagné de Paolo Panza (batterie) et Leejon Verhaeg (guitare). 'Hoboken' est leur premier album et le fait que le label parisien Intercontinental ait choisi de s'associer à  cette sortie fournit déjà  quelques indices sur la nature subtile et poussée des sphères musicales visitées ici.

Du folk noir, aux nappes électrisées et ambiantes, additionné de légères vapeurs psychédélisantes et autres field recordings. Neuf plages chantées mais plus expérimentales totalement mélodiques. On naviguerait ainsi quelque part entre Drekka, Norfolk & Western, Fern Knight et les travées les plus expérimentales parfois empruntées par Sparklehorse. Les noms de Souled American ou du Velvet Undergound circulent aussi à  leur sujet, mais Templo Diez est plus sombre, c'est plutôt la nuit noire qui fait rage ici, à  deux doigts parfois d'un intimisme lugubre, mais heureusement on n'y sombre pas, pas plus que l'on ne s'embourbe.

En conséquence directe il n'est pas spécialement évident d'appréhender ce disque, il faut faire le vide complet autour de soi, capturer toute notre attention pour déceler puis décoder la lumière discrète et diffuse que cache précautionneusement les forêts ombragées de Hoboken'. Il faut entrouvrir les pétales bleu sombre de Templo Diez pour que s'en exhalent alors les parfums subtils et que toute l'alchimie discrète se mette à  fonctionner, nous emportant avec elle, irradiante dans ses limitations. 'Hoboken' peut se révéler pour ce qu'il est : un grand disque qui demande qu'on apprenne à  l'apprécier, à  en traduire les déclinaisons d'émotions discrètes, avant d'y éclore complètement dans un état de bien-être.

'Sedan' ouvre l'album tout en douceur et vapeurs. On se laisse facilement conquérir et enivrer sous les dernières lueurs d'un soleil couchant rougeoyant qui va bientôt disparaître derrière la ligne d'arbres de l'horizon. On remet un pull car déjà  les premières fraà®cheurs du soir sont là , tandis que l'on dresse la table à  l'extérieur.

'It's Not The Way' et c'est la nuit noire, la voix intimiste qui résonne sur les parois de couloirs vides et cherche à  s'échapper vers le ciel ou vers la lumière d'une lampe comme un papillon de nuit qui pourrait y laisser la vie à  trop la confondre avec la lune.

'Anymore' ce serait plutôt la nuit d'automne en forêt, les arbres sont à  moitié dénudés et on cherche notre chemin à  travers les lueurs du ciel nocturne. Une très belle ligne de guitare de blues appalachien, comme Dave Pajo ou Loren MazzaCane Connors les aiment accompagne et élève le morceau.

Comptine intimiste à  la guitare économe et au piano, 'Come On', mélancolie blessée et poussières d'éternité. La chanson nous glisse entre les doigts comme du sable et notre seule résistance est de l'écouter en boucle.

Templo Diez prend de la hauteur sur 'Santa Anita', observe la ville nocturne et estivale du sommet d'un immeuble, le lent défilement de voitures, les quelques fenêtres encore éclairées et une douleur à  la poitrine qui n'accepte pas d'accueillir le sommeil. Un spleen atmosphérique qui tourne en nous.

Quelques accents velvetiens sur 'Song VI' ou alors est-ce plutôt le fantôme de Galaxie 500 toutes lumières de bougie éteintes. Un sitar vient distiller quelques échos de psychédélisme acoustique avec un naturel qu'envierait Greg Weeks. Nuit noire et vapeurs menaà§antes de psychédélisme sur un 'The Devil You Know' qui glace de l'intérieur.

Mais voilà , on nous offre aussitôt le soleil sur un 'New Sun Rising' qui est aussi de loin la chanson la plus directe de cet album, simple et sans artifice, péchant seulement par quelques erreurs de production qui l'empêchent de prendre toute son ampleur. Nous voilà  sur le seuil, prêt à  sortir tandis que résonne le lugubre 'Stay With Us (We'll Be Right Back)' où le chant de Pascal Hallibert prend quasiment quelques teintes new wave, heureusement plutôt celles de gens comme The Church ou This Mortal Coil.

'Hoboken' est un bon album même si en fin de compte pas spécialement évident car il fait sombre et froid sur la seconde moitié du trajet. En attendant Templo Diez et une découverte précieuse, signe que l'Europe peut aussi exceller dans ce genre de musique généralement de provenance outre-Atlantique.

(didier goudeseune)

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